Il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose. Pascal
La dématérialisation des objets
12/11/15
Un édito dans LE MONDE | 12.05.2014
« La culture à l'heure de l'abonnement numérique »
A la veille de l'ouverture du 67e Festival de Cannes, qui se tient du 14 au 23 mai [2014], un film cristallise les attentes : Welcome to New York, d'Abel Ferrara, librement inspiré de l'affaire DSK. Dans les colonnes du Monde, les producteurs ont annoncé qu'ils mettraient le film à disposition des internautes durant le Festival. A partir du 17 mai, Welcome to New York sera proposé, pour 7 euros, sur plusieurs plates-formes de vidéo à la demande.
Leur coup d'éclat vise à bousculer la réglementation, très contraignante en France, qui encadre la diffusion d'un film dans le temps, support après support — d'abord la salle, puis le DVD, puis la télévision payante, etc. Aussi iconoclaste soit-il, ce geste apparaît comme désuet.
Désuet, car il ne prend pas en compte les nouveaux modes de consommation culturelle. En 2014, dans les magasins, on n'achète plus de disques, de DVD ou de livres — ou si peu, et bien moins qu'il y a cinq ou dix ans. En 2014, sur Internet, on ne télécharge plus de chansons ou de films — ou si peu, et bien moins qu'il y a cinq ou dix ans.
L'acquisition de produits culturels est une pratique obsolète. L'heure n'est plus à l'achat, mais à l'abonnement, comme l'illustre le succès des sites musicaux Spotify ou Deezer, qui offrent à leurs abonnés, en échange d'un versement mensuel, l'accès à un vaste catalogue de morceaux. Les salles de cinéma ont vu se généraliser l'usage des cartes dites " illimitées ", qui permettent de voir un nombre infini de films, en contrepartie d'une contribution mensuelle.
Après une décennie de tâtonnements, liés notamment à l'apprentissage du numérique, les industries culturelles sont parvenues à réinventer leur modèle économique, passé d'une logique de stocks à une logique de flux.
Elles sont entrées de plain-pied dans ce que Jeremy Rifkin appelait, en 2000, l'" âge de l'accès ". Selon cet économiste américain, qui a théorisé " la troisième révolution industrielle ", la notion d'accès remplace celle de propriété ; le réseau supplante le marché ; la navigation parmi un océan de données se substitue à l'accumulation de biens matériels. C'est une révolution.
La culture est à l'avant-garde de ce bouleversement, et les mois qui viennent vont accélérer son rôle pionnier. Après avoir misé sur le téléchargement avec sa plate-forme iTunes, Apple courtiserait la société Beats. Cette start-up californienne lance un système d'écoute par " streaming ", basé sur le même principe que Spotify ou Deezer. Amazon teste une plate-forme d'abonnement semblable pour les livres. Aux Etats-Unis toujours, Netflix revendique 36 millions d'abonnés. Elle leur donne l'accès à un gigantesque robinet à films et à séries, visionnables à volonté, sans téléchargement.
L’« âge de l'accès » remet en cause nos dispositifs d'aide à la création. Il faut repenser l'ensemble des politiques de soutien aux industries culturelles.
« La culture à l'heure de l'abonnement numérique »
A la veille de l'ouverture du 67e Festival de Cannes, qui se tient du 14 au 23 mai [2014], un film cristallise les attentes : Welcome to New York, d'Abel Ferrara, librement inspiré de l'affaire DSK. Dans les colonnes du Monde, les producteurs ont annoncé qu'ils mettraient le film à disposition des internautes durant le Festival. A partir du 17 mai, Welcome to New York sera proposé, pour 7 euros, sur plusieurs plates-formes de vidéo à la demande.
Leur coup d'éclat vise à bousculer la réglementation, très contraignante en France, qui encadre la diffusion d'un film dans le temps, support après support — d'abord la salle, puis le DVD, puis la télévision payante, etc. Aussi iconoclaste soit-il, ce geste apparaît comme désuet.
Désuet, car il ne prend pas en compte les nouveaux modes de consommation culturelle. En 2014, dans les magasins, on n'achète plus de disques, de DVD ou de livres — ou si peu, et bien moins qu'il y a cinq ou dix ans. En 2014, sur Internet, on ne télécharge plus de chansons ou de films — ou si peu, et bien moins qu'il y a cinq ou dix ans.
L'acquisition de produits culturels est une pratique obsolète. L'heure n'est plus à l'achat, mais à l'abonnement, comme l'illustre le succès des sites musicaux Spotify ou Deezer, qui offrent à leurs abonnés, en échange d'un versement mensuel, l'accès à un vaste catalogue de morceaux. Les salles de cinéma ont vu se généraliser l'usage des cartes dites " illimitées ", qui permettent de voir un nombre infini de films, en contrepartie d'une contribution mensuelle.
Après une décennie de tâtonnements, liés notamment à l'apprentissage du numérique, les industries culturelles sont parvenues à réinventer leur modèle économique, passé d'une logique de stocks à une logique de flux.
Elles sont entrées de plain-pied dans ce que Jeremy Rifkin appelait, en 2000, l'" âge de l'accès ". Selon cet économiste américain, qui a théorisé " la troisième révolution industrielle ", la notion d'accès remplace celle de propriété ; le réseau supplante le marché ; la navigation parmi un océan de données se substitue à l'accumulation de biens matériels. C'est une révolution.
La culture est à l'avant-garde de ce bouleversement, et les mois qui viennent vont accélérer son rôle pionnier. Après avoir misé sur le téléchargement avec sa plate-forme iTunes, Apple courtiserait la société Beats. Cette start-up californienne lance un système d'écoute par " streaming ", basé sur le même principe que Spotify ou Deezer. Amazon teste une plate-forme d'abonnement semblable pour les livres. Aux Etats-Unis toujours, Netflix revendique 36 millions d'abonnés. Elle leur donne l'accès à un gigantesque robinet à films et à séries, visionnables à volonté, sans téléchargement.
L’« âge de l'accès » remet en cause nos dispositifs d'aide à la création. Il faut repenser l'ensemble des politiques de soutien aux industries culturelles.