Au fil du net

Il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose. Pascal

Le texte officiel

Le premier thème concernant l'enseignement de « culture générale et expression » en deuxième année de BTS pour la session 2017 a été précisé pour la première fois dans le Bulletin officiel n° 9 du 3 mars 2016.

L’extraordinaire.

Le texte officiel nous présente une réflexion sur la problématique à suivre et nous propose des indications bibliographiques.
Ces indications ne sont en aucun cas un programme de lectures. Elles constituent des pistes et des suggestions pour permettre à chaque enseignant de s'orienter dans la réflexion sur le thème et d'élaborer son projet pédagogique.
- Littérature
- Essai
- Films, arts plastiques, bandes dessinées, blogs
- Mots clés

Réflexion sur la problématique

La vie quotidienne se caractérise par son rythme régulier et rassurant, parfois monotone. L'habitude émousse la vue, l'ouïe, l'odorat et le goût. Tout semble s'affadir et ne plus mériter l'intérêt. A l'inverse, l'extraordinaire a un véritable pouvoir de révélation. Il fait surgir des réalités hors du commun aussi bien que des sensations nouvelles.
L'événement rompt le fil continu du temps et donne à l'instant une intensité qui suscite des émotions fortes : joie, surprise, émerveillement... Il donne le sentiment d'une plénitude qui justifie tous les superlatifs. Parfois, l'événement surgit spontanément - à l'occasion d'une découverte inattendue, d'une initiative improbable, d'un trait de génie. Mais ne faut-il pas aussi susciter l'extraordinaire, le chercher puisqu'il est difficile de se satisfaire de la plate répétition du quotidien ? Faut-il alors créer le moment inédit qui fait date ?
Notre société se plaît dans la production de l'événement, en fait même une pratique si courante qu'elle frise la banalité. La recherche permanente de l'inédit, de la sensation, la surenchère organisée dans l'extraordinaire ne nous assujettissent-elles pas à une autre forme de monotonie ?
L'extraordinaire se manifeste aussi dans son extrême violence. Loin d'exciter, il anéantit. Loin de favoriser le verbe et l'hyperbole, il coupe le souffle et la parole. C'est alors le traumatisme qui prévaut et l'habitude retrouvée peut apparaître nécessaire et apaisante.
Il est difficile de juger d'un quotidien auquel on s'est accoutumé, mais il s'avère tout aussi difficile de penser l'extraordinaire, car les émotions jouent contre la prise de distance que demande l'exercice de la raison.
Comment rendre compte du banal ? Comment construire un jugement sur ce dont on finit par oublier le sens et la saveur ? Comment rendre justice à ce que l'usage et l'usure ont voué à la discrétion ?
Inversement, comment penser l'exceptionnel tout en gardant de la mesure ? Comment préserver sa lucidité sans pour autant faire preuve de détachement insensible, de sécheresse de cœur ? Comment trouver les mots qui sonnent juste, restaurer le pouvoir de la parole et éviter les excès d'un verbe affolé face à l'événement qui sidère ?

Bibliographie : Littérature

Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes
Louis Aragon,
Le Paysan de Paris
J.G. Ballard,
Crash ; I.G.H....
Honoré de Balzac,
Eugénie Grandet
André Breton,
Nadja
Russel Banks,
De beaux lendemains
Dino Buzzati,
Le Désert des Tartares
Emmanuel Carrère,
D'autres vies que la mienne
Cicéron,
De la divination, I, 97-98
Italo Calvino,
Palomar
Raymond Carver,
Les Vitamines du bonheur
Nicolas de Chamfort,
Tableaux historiques de la Révolution française
François-René de Chateaubriand,
Mémoire d'Outre-tombe, I, Année 1789, « Effet de la prise de la Bastille sur la cour - Têtes de Foulon et de Berthier »
Marie Darrieussecq,
Truismes
Philippe Delerm,
Enregistrements pirates
Alexandre Dumas,
Les Trois Mousquetaires
Marguerite Duras,
La Pluie d'été
Annie Ernaux,
Regarde les lumières, mon amour
Francis Scott Fitzgerald,
Gatsby le magnifique
Gustave Flaubert,
Madame Bovary
Jonathan Safran Foer,
Extrêmement fort et incroyablement près
Jean Follain,
Exister
Nicolas Gogol,
Nouvelles
Julien Gracq,
Le Rivage des Syrtes
Françoise Héritier,
Le Sel de la vie
Serge Joncour,
L'Idole
Franz Kafka,
La Métamorphose
Ahmadou Kourouma,
Allah n'est pas obligé
D. H. Lawrence,
L'Amant de Lady Chatterley
Guy de Maupassant,
Une vie ; Nouvelles
François Mauriac,
Thérèse Desqueyroux
Pierre Michon,
Vies minuscules
Philippe Minyana,
Inventaires
Wajdi Mouawad,
Incendies
Georges Perec,
L'Infra-ordinaire ; Les Choses
Edgar Allan Poe,
Nouvelles histoires extraordinaires
Francis Ponge,
Le Parti pris des choses
Marcel Proust,
Du côté de chez Swann (« Combray »)
Romain Puértolas,
L'Extraordinaire Voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea
Pascal Quignard,
Villa Amalia
Philip Roth,
Némésis
Madame de Sévigné,
lettre à Monsieur de Coulanges, 15 décembre 1670
Stendhal,
La Chartreuse de Parme, I.3
Tite-Live,
Histoire romaine, 35, 21 ; 41.9
Jules Verne,
Voyages extraordinaires
Michel Vinaver,
11 septembre 2001
Virginia Woolf,
Mrs Dalloway

Bibliographie : Essais

Hannah Arendt, Penser l'événement
Bruce Bégout,
La Découverte du quotidien
Walter Benjamin, « Sur quelques thèmes baudelairiens » III, IV ; « Le Narrateur »
André Breton,
Le Surréalisme et la Peinture,
Michel de Certeau,
L'Invention du quotidien
Régis Debray,
Du bon usage des catastrophes
Sigmund Freud,
Psychopathologie de la vie quotidienne
Erving Goffman,
La Mise en scène de la vie quotidienne
Sylvain Tesson,
Dans les forêts de Sibérie
Pierre Zaoui,
La Traversée des catastrophes
Revue Sociétés n°126,
Re-penser l'ordinaire

Films, arts plastiques, bandes dessinées, blogs

Pénélope Bagieu, Ma vie est tout à fait fascinante
Thomas Cailley,
Les Combattants
Eric Chevillard,
L'Autofictif
Guy Delisle,
Le Guide du mauvais père
Clint Eastwood,
Sur la route de Madison
Atom Egoyan,
De beaux lendemains
Sergueï Eisenstein,
Le Cuirassé « Potemkine »
Roland Emmerich,
Independence day
Emmanuel Guibert,
La Guerre d'Alan
John Guillermin et Irwing Allen,
La Tour infernale
Alfred Hitchcock,
L'Auberge de la Jamaïque
Alejandro Inarritu,
Birdman
Akira Kurosawa,
Vivre,
Emmanuel Lepage,
Un printemps à Tchernobyl
Adam McKay,
The Big Short (Le Casse du siècle)
Yasujirō Ozu,
Dernier Caprice
Brad Peyton,
San Andreas
Alain Resnais,
Hiroshima mon amour
Riad Sattouf,
L'Arabe du futur
Ridley Scott,
Seul sur Mars
Joann Sfar,
Carnets
Paolo Sorrentino,
La Grande Belleza
Steven Spielberg,
Les Aventuriers de l'Arche perdue
Lewis Trondheim,
Les Petits Riens


Arts plastiques et décoratifs
Peinture hollandaise, peinture d'histoire, photo reportage, pop art, performances, comics, art brut, « folies »...

Mots clés

Acte d'héroïsme, aventure, catastrophe, événement, exceptionnel, extraordinaire, fulgurant, hasard, imprévisible, imprévu, ineffable, inouï, insolite, merveilleux, miracle, original, paroxysme, prodige, séisme, spectaculaire, surprise...
Carnaval, chef-d'œuvre, coup de théâtre, drame, édition spéciale (breaking news), événementiel, fantastique, fête, morceau de bravoure, péripéties, rebondissement, rencontre, rite de passage, romanesque, scoop...
Anéantissement, choc, déconcertant, effroi, étonnement, extase, horreur, intensité, ivresse, ravissement, sensationnel, sidération, sublime, surprise, terreur, traumatisme...
Anodin, banal, classique, coutume, ennui, familier, habitude, insignifiant, insipide, monotone, normal, ordinaire, platitude, quelconque, quotidien, rebattu, régulier, répétition, tradition, usage...
Accoutumance, apaisement, calme, confort, dégoût, ennui, indifférence, lassitude, sérénité...

L'homme augmenté

Le site du centre culturel HA32 propose un article intéressant sur l’homme augmenté, article qui pourra aussi servir au thème sur le corps.

L’homme augmenté, mythes et limites, avec David PUCHEU (Sociologue des techniques)

Parler d’homme augmenté relève du pléonasme : il y a très longtemps que, sans en avoir clairement conscience, l’homme s’est augmenté. Maîtriser le feu lui a permis d’étendre le nombre des aliments qu’il pouvait consommer et assimiler. Écrire a été un moyen d’outrepasser les limites de la mémoire. Utiliser un moyen de locomotion lui a permis de couvrir des distances plus grandes, avec une fatigue moindre…Autant d’exemples qui montrent que cette démarche est depuis longtemps inscrite dans l’histoire des hommes. Pourtant avec l’avènement de la révolution industrielle, avec les machines utilisant la vapeur puis l’électricité, une sorte de dialogue s’est établi entre l’homme et la machine, l’un se servant de l’autre ou la servant. On a adapté les machines à l’homme par une ergonomie étudiée, mais on a aussi amené l’homme à s ‘adapter à la machine, dans une vision organiciste de celui-ci. Ses mouvements ont été scrutés et décomposés en séquences, de manière à éliminer temps morts et gestes inutiles, dans un souci de rentabilité du système de production. Avec le numérique et les biotechnologies, un nouveau seuil a été franchi, la mathématisation du monde est en marche. La biotechnologie ouvre à la manipulation du vivant….

De la convergence…
Dans le domaine militaire des recherches ont depuis longtemps été menées pour parvenir à une meilleure efficacité des dispositifs défensifs ou offensifs. Ainsi pour intercepter une bombe, il faudra en connaître notamment la vitesse et la trajectoire pour pouvoir l’atteindre avant qu’elle n’ait anéanti sa cible. Il faudra donc munir le dispositif d’interception de capteurs permettant de mesure ces données et d’une mémoire pour les confronter et adapter ainsi l’intervention du dispositif. On pourra même envisager de mettre au point une machine capable de fonctionner sans autre intervention humaine que celle de son concepteur. Actuellement des machines sont capables de stocker et d’analyser les traces laissées par l’homme (localisation par son téléphone portable, profilage commercial par les achats qu’il a payés au moyen de sa carte bancaire, ensemble de ses relations personnelles telles que permettent de les établir ses mails ou ses « amis » sur la Toile…). De même des machines sont capables, grâce à leur puissance de calcul, d’apprendre, d’écrire des romans…De là est apparue l’idée d’une convergence entre les organismes vivants et les machines, l’idée de créer une sorte d’être hybride susceptible d’être amélioré, comme une machine peut l’être, le corps devenant une sorte d’interface à différents dispositifs techniques propres à en améliorer les performances dans les domaines les plus divers : exosquelette, casque de réalité augmentée, prothèses mues à partir des influx neuronaux visant à l’exécution de mouvements…

… à l’immortalité…
Les biotechnologies ont fait penser que l’immortalité est à la portée de l’homme ! Ces techniques recèlent des enjeux humains et économiques considérables, car si les recherches qu’elles supposent mobilisent des moyens considérables, elles suscitent des appétits encore bien plus importants. Seules de très grandes sociétés nanties de moyens économiques colossaux ont la possibilité de s’engager dans ces recherches, avec l’ambition non déguisée non seulement d’en tirer le plus grand profit mais surtout de s’assurer une position de domination. Mais alors que son avenir est en question, voire en danger, que peut faire l’homme ? Bien sûr, chaque citoyen est appelé à une réflexion sur le choix de société. Il s’agit d’un débat politique, au sens le plus élevé du terme, dans lequel les intellectuels et les responsables religieux doivent trouver leur place, sans que le champ soit laissé entièrement libre aux apprentis sorciers.

Jean-Pierre Bouscharain